lundi 25 janvier 2010

cocada de cacao, quand tu me tiens...

La cocada, comme son nom l’indique, vient de la coco (attention à la prononciation, ça peut créer des surprises….). La cocada est, normalement, une confiserie à base de noix de coco. Mais, ici, de coco il ne sera point question.

Les habitants (généralement pauvres) de la région, fortement dotée en pieds de cacao depuis la grande époque des « colonels (anciennement riches) du cacao » et de la monoculture du même, mais tout à fait privés du fruit de sa transformation par l’exportation chocolatière (chez les riches), ont inventé la cocada de cacao : une sorte de chocolat fait à la maison… Attention, cela n’a rien du chocolat ! Mais tout à voir avec le cacao, avec son odeur enivrante….

Et je vous livre ici les secrets de sa fabrication, si tant est que vous ayez les ingrédients, et le don nécessaire pour la réaliser, ou la fantaisie suffisante pour l’imaginer !

En premier lieu, il s’agit de dénicher quelques kilos de graines de cacao séchées. La graine de cacao, particulièrement quand elle a séché, a un goût amer tout à fait désagréable. Il paraît que c’est très bon pour la santé, plein d’anti-oxydants, et doté d’un composant légèrement euphorisant ou antidépresseur, par je ne sais quelle chimie entre l’intestin et le cerveau… Mais c’est franchement pas bon. Pour ne rien arranger, la graine est recouverte d’une pellicule de peau tenace qui lui est propre mais qui n’est cependant pas la bienvenue dans la composition de notre goûter. Alors que faire ?

Nous allons torréfier le cacao. Pour cela, il suffit de disposer d’un four communément banal. On pourra aussi préférer la méthode traditionnelle, et confectionner un four à bois, mais on perd du temps par rapport à l’heure du goûter… Disposons une couche de graines dans un grand plat, et laissons passer au four, jusqu’à ce que monte aux narines l’odeur chatouillante de cacao torréfié, et que la graine en prenne la couleur tout à fait caractéristique. (La détermination du moment opportun est de l’ordre du don, et de l’expérience). Répéter l’opération tant qu’il vous reste des graines.

Le moment est venu de retirer la peau de la graine, qui maintenant s’effrite facilement. L’opération est toutefois délicate car il faut se soucier de retirer la pellicule superficielle, brûlée, sans réduire en miettes la graine elle-même, sans quoi il devient impossible de les séparer…(pour cette raison on s’abstiendra de choisir comme sous-traitants des enfants, indélicats par nature). C’est ce que l’on pourrait appeler la phase sociale de la cocada de cacao. Fonction de la quantité de cacao, il est en effet bienvenu de se faire aider dans sa réalisation. Tous assis autour d’une table, les mains trient, et les langues vont bon train. C’est un moment inédit pour se mettre à jour sur les ragots, les histoires de famille, et la dernière pistolade en ville. (N’oubliez pas d’expérimenter subrepticement le goût du cacao torréfié, toujours un peu amer, mais délicieusement grillé)

Une fois ce travail terminé, et le résultat dûment pilé, vient l’heure des marmites. La mixture a l’avantage de se fonder sur un dosage on ne peut plus simple : 1=1=1. Autrement dit un kilo de cacao, un kilo de sucre, un litre de lait, les trois dans la casserole, cette dernière sur le feu, et vous muni-e d’une spatule. Mélangez amoureusement la composition, accompagnez son travail, suivez les évolutions de sa texture, ses formes et la grâce de ses mouvements…. Aproveite…

Il est à noter que cette étape s’accompagne de diverses recommandations étranges, de l’ordre des impératifs catégoriques appliqués à l’élaboration de substances comme la mayonnaise, la chantilly ou la crème anglaise. Il est par exemple tout à fait exclu qu’une personne n’ayant pas été présente dès les débuts de cette phase intervienne ou interagisse de quelque manière que ce soit avec la mixture ou son contenant. Nous sommes ici confrontés à ces mystères insondables mais néanmoins empiriquement vérifiés de la sorcellerie culinaire.

Autre magie, c’est le moment que choisit le cacao pour développer subitement tout son arôme, envahir la pièce, et libérer son odeur captivante jusques aux confins de la propriété. Si vous aviez cru pouvoir commettre votre méfait dans le secret absolu, vous vous mettiez le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Selon toute vraisemblance et après vérifications sur sujets vivants, il y a plus de 90% de chances que vous voyiez débarquer dans votre antre 88,24% de la population féminine et 89,386% de la population masculine présentes en les lieux dans les minutes qui suivent. Or, c’est généralement ce moment précis qu’attendait la pâte pour arriver à point, et il est absolument impératif de ne pas dépasser ce fameux point ! Alors que faire ?

Il ne faut jamais (…) laisser passer le Point P ! Jamais. Pas même d’une demie seconde. Alors, tout auréolé-e que vous êtes de la douceur du cacao embaumant les alentours, vous saurez vous gagner la docilité et la bienveillance des spectateurs bavant de gourmandise en distribuant de très peu subtils coups de coude, bien sentis et nécessaires pour tracer la route de la marmite depuis le feu jusqu’au plan de travail – laquelle route sera accompagnée d’encouragements verbaux colorés à déguerpir au plus vite. « Cês vão ficar aqui, hein ? Oxente ! Que é isso ? Ôxe ! Sai daqui seus desgraçados ! Sai ! Ôxe !!! ». Sur quoi vous viderez allègrement le contenu de la marmite dans son intégralité sur le plan préalablement préparé à tel déversement.

Le processus subséquent est tout à fait surprenant. Devant les yeux incrédules de l’assemblée (qui bien qu’étonnée n’en cesse de baver d’envie pour autant), le mélange visqueux se solidifie à vue d’œil, et fait place à une croûte plus ou moins épaisse d’un marron chaud, profond et subtilement huileux. Il est de bon augure de se munir rapidement des ustensiles indispensables à la découpe du bestiau, étant observé que celui-ci ne doit pas être entièrement durci pour que la chirurgie opère avec succès.

L’on pourrait imaginer laisser la plaque de chocolat-qui-n’en-est-pas dans son état unitaire, mais l’entreprise de morcellement de la cocada est recommandée à plusieurs titres : en premier lieu la commodité, en second les règles de la convenance. Pour peu que vous ayez adopté des proportions dignes d’une cantinière de régiment (ce à quoi je ne saurais que vous encourager), la plaque peut atteindre une taille impressionnante. Dans l’éventualité où la cocada ne serait que moitié engloutie dans les minutes à venir, il s’avère peu commode de ranger le morceau restant, de la taille d’une table de salle à manger de château, dans le placard de la cuisine. D’autre part, il se révèle tout à fait incommodant d’assister au spectacle inconvenant d’une assemblée de goinfres se vautrant avec délices sur la même unique plaque de cocada, croquant, léchant, triturant, suçant à qui mieux mieux, têtant quasiment la savoureuse friandise. On ne saurait donc trop recommander, dès lors qu’il est prouvé que la bienséance et la retenue se diluent dans le cacao, de veiller à la confection de parts individuelles.

La cocada de cacao, quand elle est bien faite, est un régal. Elle a une consistance semi croquante, semi sablée, et exhale en fondant en bouche les goûts de la fève grillée et du cacao pur…. Je pense sérieusement à monter une filière de contrebande.

2 commentaires:

Anonymous Cayo Godille a dit...

je m'occupe de la filière de distribution en Gelbique !!

26 janvier 2010 à 14:10

 
Anonymous benbat a dit...

pour l'intro, je pensais à cette citation d'un grand penseur occidental:
"C'est bourré de vitamines,
mais ça a un goût de chiotte"
Crocodile Dundee

2 février 2010 à 09:36

 

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